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" Père
de la Patrie Corse "
(Morosaglia 1725/Londres 1807)
De Naples à Ponte-Novu
1
– Prime jeunesse et premier exil Toutes les conditions sont réunies, dès sa naissance,
pour que Filipo-Antonio-Pasquale Paoli devienne un personnage capital de
l’histoire de la Corse :
·
Il
naît
le 5 avril 1725, à Morosaglia, village de la province de Castagniccia.
A cette
époque, l’île est soumise à la domination de la République de Gênes, qui
perdure depuis quatre siècles, et contre laquelle de multiples mouvements de rébellion
se sont successivement dressés. Ce sont principalement des hommes de
Castagniccia qui furent à l’origine de ces révoltes, dans le dessein de
conduire la Corse vers l’indépendance.
·
Le père
de Pasquale, Giacinto Paoli, modeste propriétaire terrien, mais doté d’une
grande culture et d’un sens inné de la politique était l’un des chefs
historique de l’élan patriotique qui allait se cristalliser, sous le règne
éphémère de Théodore de Neuhoff (1736-38), dont il sera le premier
conseiller. A ce titre, il rédigera la charte du royaume, dont le préambule
restera célèbre : " Tous les hommes naissent libres et égaux
entre eux… "
·
Clemente,
le fils aîné des quatre enfants de Giacinto Paoli va devenir, pour sa part, le
stratège de la lutte armée contre Gênes et ses alliés. Dès sa petite
enfance, Pasquale Paoli manifeste un étonnant appétit de savoir. Sa fabuleuse
mémoire et son insatiable curiosité sidèrent ses précepteurs, les moines
Observantins du Couvent de Morosaglia. Cependant, dès qu’il atteint sa dixième
année, il "ronge son frein " en attendant de pouvoir rejoindre
les " fils de la liberté " et participer à leurs combats.
Il est désespéré, au mois de juin 1739, lorsqu’il
apprend la sévère défaite que les troupes françaises du marquis de
Maillebois viennent d’infliger aux volontaires corses. Le gouverneur génois de Bastia ordonne alors la
dissolution de la junte insulaire et le bannissement de tous les chefs de la Révolution.
Le 10 juillet suivant, Giacinto Paoli s’embarque à destination de Naples,
capitale du royaume des Deux Siciles. Il emmène avec lui son benjamin, âgé de
14 ans, pour le soustraire à la tentation de poursuivre la guérilla aux côté
de son frère Clemente, entré dans la lutte clandestine. C’est le premier
exil de Pasquale Paoli. Ce ne sera pas le dernier.
2
– Formation intellectuelle et militaire d’un futur chef d’Etat Par chance, Charles VII, roi des Deux Siciles, est un
fidèle ami de la Corse et un admirateur du courage de son peuple. Sous l’impulsion de ce monarque éclairé, la cité
portuaire de Naples est devenue une ville où souffle l ‘esprit de l’Illuminismo
italien et qui séduit d’emblée l’adolescent de Castagniccia. Dans cette
patrie des Arts, des lettres et des sciences, il pourra acquérir un nouveau
savoir, pour le mettre au service de la Corse libre dont il rêve. Tandis que son père, promu colonel par édit royal,
prend le commandement du régiment "Corsica " entièrement composé
de volontaires corses, Pasquale s’installe sans état d’âme dans sa
condition d’exilé "protégé ". C’est grâce à ce " sésame "
que les savants Frères-Mineurs Franciscains de Naples acceptent qu’il suive,
en auditeur libre, l’enseignement supérieur qu’ils dispensent aux Novices
de l’Ordre. En moins de trois ans, il apprend à parler et à écrire
correctement le Français et l’Anglais, sans oublier le Grec et le Latin
qu’il pratique depuis l’enfance. Il se dote d’une base sérieuse en mathématiques
et en sciences exactes et il rivalise avec ses meilleurs condisciples en
histoire, comme en rhétorique et en éthique. C’est avec regret que les Frères-Mineurs voient ce
jeune " surdoué " leur échapper, lorsque son père lui
ordonne de venir signer son engagement en tant que Cadet au régiment " Corsica ". Bien qu’il ne manifeste qu’un goût modéré pour
la carrière militaire, il obéit avec empressement. Plus encore que de citoyens
instruits, la Corse n’a-t-elle pas besoin d’excellents officiers ? Dans les tâches successives qui lui sont assignées,
le Cadet puis le Primo-Alfiere (sous-lieutenant) Paoli se distingue par son sens
de la discipline et sa vaillance, dans les Pouilles et en Sicile notamment, où
il traque les hordes de bandits de grand chemin. Pour récompenser de ses faits d’armes, le
haut-commandement militaire lui ouvre les portes de la célèbre Académie
Royale, en principe réservé à la formation intellectuelle des officiers supérieurs. C’est dans cette Université de haut-niveau que le
jeune homme fait la connaissance d’un Maître exceptionnel qui devient vite
son ami et son guide : Antonio Genovesi. Ce brillant pédagogue, qui tient la chaire d’Éthique
et de philosophie de la nature, enseigne également la morale sociale et la
science économique et politique. Lorsque Pasquale Paoli lui confie ses ambitieux projets
pour le renouveau d’une Corse libérée, Genovesi le conseille et lui fait
partager ses propres convictions : celles qui animent tous les penseurs
européens du siècle des lumières ; il lui fait analyser les ouvrages de
Montesquieu, de Voltaire et des humanistes anglais. Diplômé de l’Académie Militaire Royale en 1748, le
futur Général de la nation corse entend parfaire encore ses connaissance en
matière de stratégie. Après avoir été muté, avec le grade de capitaine en
surnombre, au régiment du " Royal Farnèse ", la formation
d’élite du royaume des Deux Siciles, il y achève son cursus d’officier
d’artillerie. Au terme de longues et monotones journées de caserne,
il s’enferme dans sa chambre pour écrire et réécrire son projet de
Constitution pour la Corse et les prémices d’un Risorgimento de l’économie
insulaire. Mars 1755, dans un mois, Pasquale Paoli aura trente
ans. Alors qu’il participe, dans l’île d’Elbe, aux grandes manœuvres du
" Real Farnese ", une estafette vient l’informer qu’une
délégation des patriotes corses, conduite par son frère Clemente, l’attend
à Porto-Longone. Le message dont Clemente est porteur est bref : la
Junte secrète de la Révolution de Corse s’apprête à convoquer une consulta
du peuple pour élire le chef légitime capable de conduire la patrie vers
l’indépendance. Un seul nom à été cité, celui de Pasquale Paoli. La rencontre n’a duré qu’une petite heure, ponctuée
par de fraternelles embrassades. Cette fois, le destin fait suite au rêve. Le premier exil de Paoli a duré seize ans.
3
- Vive le général des Corses ! Le bambin qui avait quitté son île natale en 1739 est
aujourd'hui un homme de haute stature, que sa mère et ses sœurs ont eu du mal
à reconnaître. De l'enfance il n'a gardé que son profond regard bleu et sa
chevelure en bataille, d'un blond-roux. L'heure n'est plus aux grandes effusions. En quelques
jours, la maison familiale des Paoli s'est transformée en siège d'état-major
où se prépare, dans la fièvre, la consulta dont la date a été fixée aux 13
et 14 juillet 1755.Un important travail a déjà été réalisé : l'apaisement
des luttes de clans qui sévissaient dans la plupart de pièves et le ralliement
à la cause paoline des notables hésitants. Les familles ouvertement favorables
aux Génois sont désormais isolées. En dépit de quelques défections et de l'hostilité du
clan Matra, la consulta s'ouvre, au couvent Sant'Antone de la Casabianca dans un
climat de sérénité et de confiance. Les projets politiques que propose
Pasquale Paoli soulèvent l'enthousiasme et, à l'aube du 14 juillet, c'est à
la quasi-unanimité qu'il est proclamé Général de la nation corse. La nouvelle de cette élection se répand comme une traînée
de poudre, de village en village, et une liesse sans pareille s'empare de la
population, du Nord au sud de l'île. "Evviva Paoli ! Evviva liberta ! Vive le Général
des Corses !"
4
- Construction d'un État de droit Ce n'est pas en tant que chef de guerre que Paoli s'est
attaché l'affection et la fidélité d'un peuple enfin uni dans un destin
commun. C'est sa volonté passionnée de faire le bonheur de tous les citoyens
de la patrie corse. Dès la fin de l'année 1755, il fait adopter par trois
assemblées consécutives la constitution d'un Etat indépendant et un système
de gouvernement, dont les bases reposent sur la libre volonté populaire exprimée
par le suffrage universel. Rien que la Corse garde le titre de royaume, ce sont
les principes d'une République pré-démocratique dont le Général de la
nation dessine le modèle universel :
·
Séparation
des pouvoirs exécutifs, législatif et judiciaire,
·
Élection
des députés de l'assemblée législative par tous les Corses (hommes et femmes
chefs de famille) âgés d'au moins 25 ans,
·
Promulgation
d'un code pénal, inclus dans la loi fondamentale, et organisation d'une justice
décentralisée,
·
Création
d'un conseil suprême garant des institutions, présidé par le Général.
C'est par et autour de cette constitution que Paoli,
après avoir fixé le siège de son gouvernement à Corte, capitale historique
de la Corse, s'emploie à rassembler toutes les énergies, en commençant par
lutter contre le banditisme et les " vendette " qui ont déchiré
la Corse pendant des siècles. Une patrie, un drapeau. Le 1er mai 1756, la Bandera
Corsa à la tête de Maure flotte au faite du Palazzu Naziunale de
Corte.
5
- Une renaissance économique et culturelle Six mois à peine après la promulgation de la
constitution, le Général Paoli met en œuvre un pan quinquennal destiné à
vaincre la pauvreté en modernisant l'économie archaïque du pays. L'économie agraire est revivifiée : culture en
terrasses pour la production de céréales, plantations intensives de pommes de
terre (tubercules nouvellement cultivés en Europe), remise en valeur des châtaigneraies
et oliveraies etc.... En 1763, pour faciliter les échanges marchands dans l'île
et avec les pays voisins, le gouvernement fait frapper monnaie à Murato et,
dans le même temps, on réactive l'exploitation des mines de fer et de cuivre. En 1764, Paoli crée, ex-nihilo, la cité portuaire de
l'Ile-Rousse, qui ouvre la voie maritime au commerce international. La même année, c'est la mise en route des chantiers
navals de Centuri (Cap Corse), où vont être créés les bâtiments d'une
flotte commerciale. Certains de ces navires sont conçus pour être armés en
unités de combat. Une imprimerie est mise en service à Corte, pour
publier des informations administratives et des ouvrages de technologie. Pour couronner cet édifice, le plus ambitieux projet
culturel de Paoli voit enfin le jour de sa réalisation : le 3 janvier 1765,
l'Université de Corse est inaugurée. De savants professeurs y enseigneront la
philosophie, la théologie, les mathématiques et le droit, ainsi que des
principes de médecine et de chirurgie. L'un des premiers élèves de Université se nomme
Carlo Bonaparte, le futur père de Napoléon !
6
- Une œuvre saluée dans le monde entier C'est peu avant l'ouverture de l’Université que le
philosophe Jean-Jacques Rousseau avait exprimé son admiration pour l'œuvre de
Pasquale Paoli dans son livre "Le Contrat Social", en concluant "
Un jour, cette petite île de corse étonnera le monde. " Lorsque Rousseau reçoit la visite du bachelier écossais
James Boswell, il lui conseille vivement de se rendre en Corse pour rencontrer
le Général qu'il considère comme le précurseur de la pensée démocratique. De son séjour dans l'île, Boswell rapporte la matière
d'un important ouvrage, " An account of Corsica ",
qui va connaître un succès foudroyant, non seulement en Grande Bretagne, en Écosse
et en Irlande, mais jusque dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord. Une dizaine d'années plus tard, c'est en se référant
aux principes de Paoli que les patriotes américains allumeront les premiers
feux de leur Révolution indépendantiste. L'Europe entière a les yeux fixés vers l'île de la
liberté et du droit et d'innombrables témoignages de sympathie sont adressés
à son chef, en provenance, notamment de Frédéric II, roi de Prusse, de la
grande Catherine, Impératrice de Russie et de tous les "esprits éclairés"
du Continent.
7
- Une étonnante victoire militaire et une immonde transaction La monarchie française de Louis XV commence à s'inquiéter
de cette singulière réussite qui alimente les libelles de philosophes
contestataires du pouvoir royal "de droit divin". Au reste, la position stratégique de la Corse est bien
trop utiles à la France pour qu'on la laisse entre les mains d'un habile
"aventurier". De son côté, la République de Gênes campe sur ses
positions attentistes, persuadée que l'apparente unité du peuple corse ne
pourrait pas bien longtemps résister aux inévitables luttes de clans qui,
pendant des siècles, furent l'apanage d'une société frondeuse. Les Génois ne prennent véritablement conscience de la
solidité du régime de Paoli, que lorsque ce dernier décide d'annexer l'île
de la Capraja, leur pace-forte en Tyrrhénienne, à quelques milles de Bastia. L'humiliante défaite infligée aux défenseurs de l'îlot
par la modeste flotte et les volontaires du CAP CORSE change toutes les données. Le moment est venu, pour la France, de s'emparer sans
coup férir d'un territoire que, décidément, la République Sérénissime est
incapable de conserver sous son autorité. Le 15 mais 1768, à Versailles, sous le regard
triomphant du duc de Choiseul, ministre des Affaires Étrangères de Louis XV,
l'ambassadeur de Gênes paraphe le traité qui place la Corse sous la suzeraineté
de la monarchie française. L'accord est intervenu au terme d'un sordide
marchandage ; ce transfert de pouvoir a coûté, en fait, au Trésor royal, la
somme de deux millions de livres or (environ 200 millions de dollars de nos
jours).
8
- L'armée de la Corse indépendante "Une escouade de volontaires, animés par leur foi
patriotique, est capable de vaincre un bataillon ennemi supérieurement armé"
disait Pasquale Paoli. Durant les dix premières années de son généralat, son
frère Clemente eut bien du mal à le convaincre que la défense de la nation nécessitait
la création de quelques compagnies de cavalerie, fantassins et d'artillerie
convenablement équipées et entraînées. Cet embryon d'armée démontrera son efficacité. Alors qu'une consulta, rassemblée par Paoli en toute hâte
dénonce l'infâme décret de Versailles qui vient de vendre la terre corse et
son peuple "comme un vulgaire troupeau de moutons", Choiseul a
déjà mis au point la stratégie destinée à réprimer toute tentative de résistance
au nouvel ordre français. Un contingent de 15.000 hommes, sous le commandement du
marquis de Chauvelin vient renforcer les régiments de la garnison de Bastia,
que le général Marbeuf tient en réserve. Par appel au volontariat, le général Paoli n'aurait
pu opposer à cette force que six ou sept milliers de combattants. Bien
heureusement, la petite armée nationale, formée sous les conseils de Clemente,
est prête à remplir sa courageuse mission pour défendre l'honneur bafoué de
la patrie, de la liberté et du droit. Si, dans un premier temps, les soldats corses doivent céder
du terrain, dans le CAP-CORSE et la province du Nebbio, ils reprennent
rapidement l'initiative, par une magistrale contre-offensive. Les 7 et 8 octobre
1768, ils mettent le siège devant Borgo, que les Français ont érigée en
place forte. Malgré une tardive intervention de la cavalerie royale Borgo tombe
aux mains des troupes Paolines et Chauvelin doit opérer une honteuse retraite
vers sa base de Bastia, abandonnant sur-le-champ de batailles des centaines de
morts et de blessés. Cette fois, personne ne pourra accuser l'incapacité et
la couardise des Génois d'être à l'origine de ce sanglant revers. Mais si la victoire de Borgo enflamme la fierté du
peuple insulaire, Paoli reste prudent. Il sait pertinemment que la France n'a
jeté dans cette confrontation qu'une infime partie de son potentiel militaire,
et que Versailles voudra laver cet affront.
9
– Mai 1769, Ponte-Novu, la fin d’un rêve Effectivement, après avoir destitué Chauvelin, le Duc
de Choiseul rumine haineusement sa revanche. C’est avec dédain qu’il a
rejeter l’offre de traité de paix que lui a proposé Paoli . Pour diriger la guerre de conquête de la Corse,
approuvée par Louis XV, il y désigne le plus célèbre et le plus farouche des
grands officiers du royaume : le comte de Vaux. Ce généralissime s’est engagé à soumettre l’île
rebelle en moins de deux mois. Il en a largement les moyens. C’est avec le sentiment d’invincibilité qu’il
voit s’accumuler, dans les trois premiers jours d’avril 69, le formidable
dispositif militaire qui compose le corps expéditionnaire français. En tout,
25000 hommes dont les unités d’élite sont encadrées par la fine fleur des
officiers royaux, avec leurs chevaux, leurs armes modernes, leurs canons, leurs
ambulances qu’une armada de vaisseaux a fait débarquer au port de Saint
Florent. Compte tenu des garnisons en place dans les présides, ce sont près de
40000 soldats que le connétable va conduire à la victoire. Quelle barrière
humaine pourrait être opposée à cette invasion ? C’est une assemblée de députés en majeure partie
terrorisés qui compose la consulta de crise convoquée en Casinca par Paoli. Certains d’entre eux proposent ouvertement qu’une négociation
s’engage immédiatement pour parvenir à une reddition sans déshonneur. Mais c’est la voix du père de la patrie qui rallie
finalement le plus grand nombre de voix à une décision de résistance. " Debout, peuple de Corse, pour la défense
de notre terre sacré et pour la liberté que nous avons conquise au prix du
sang de nos enfants ! " commande-t-il. Et les députés se lèvent,
au cri répété de " Guerra ! Guerra ! " avant
d’entonner " A Palatina ", le chant des patriotes au
combat. Bien des thèses ont été consacrées à la guerre de
conquête impitoyable menée par le conte de Vaux, qui décima en quelques
semaines l’impuissante armée Paoline, mal vêtue, mal armée, mal nourrie,
mais admirable de courage, jusqu'à la phase finale de la bataille de Ponte
Novu, à quelque kilomètres du village natale du général des Corses. A propos de cette ultime tuerie, le grand philosophe
Voltaire a écrit : " Les pertes Corses s’élevèrent à 600
hommes, dont 200 périrent sur le pont même, pour interdire le passage des régiments
français. Les blessés s’entassèrent avec les morts pour affermir le rempart
humain. " On trouve partout des marques de valeur,
mais on ne voit de telles actions que chez les peuples libres ". Est-ce l’inexorable fin d’un rêve de liberté qui
a nourri l’âme Corse pendant trois lustres ? Certes, un coup fatal a été porté aux institutions
fondées par Pasquale Paoli, à son université à peine naissante, à la sage
administration de la justice en Corse et à la poursuite de la renaissance économique
dans l’île. Mais le monde n’a pas fini d’entendre parler de
Paoli, car il reste encore quelques comptes à régler avec les tyrannies ! L’amour que lui a porté son peuple reste intact, et
ce peuple attendra fidèlement son retour.
10
– L’Europe magnifie l’œuvre paoline Au lendemain du désastre de Ponte-Novu, près de 400
compagnons fidèles de Paoli et leurs familles ont choisi de prendre la route de
l’exil, comme leur chef. Les plus nombreux se fixeront en Toscane ou en
Sardaigne, tandis que les plus proches des conseillers et amis du Général le
suivront jusqu’en Angleterre, après avoir partagé le délirant accueil de
tous les pays d’Europe traversés. Deux mois durant, en effet, de l’Empire
d’Autriche au royaume de Prusse et aux Pays-Bas, monarques, princes, artistes,
homme de science et populations en liesse s’unissent spontanément pour témoigner
leur admiration et leur respect au " héros de la liberté "
et à son peuple courageux. On dresse, sur les places, des arcs de triomphe, on
fait chanter des messes solennelles dans les cathédrales, on organise des bals
populaires … L’Europe entière s’est éprise de la Corse, devenue patrie
des Lumières et des vertus civiques. Le 17 septembre 1769, Paoli et son escorte
s’embarquent enfin pour traverser le " channel ". Suprême
hommage : c’est Georges III, roi de Grande Bretagne, qui tient à
accueillir, comme un chef d’État, le fondateur de la nation corse indépendante
que la monarchie française s’était enorgueillie d’avoir soumise. Sur le
port de Harwich, un régiment de Horse – Guards lui rend les honneurs avant
d’escorter le carrosse royal qui l’emmène vers Londres. Au Palais de Saint-James, le soir même, William Pitt,
premier ministre de Georges III informe Pasquale Paoli des généreuses
dispositions prises par la couronne à son égard, en qualité d’hôte privilégié :
un hôtel particulier est mis à sa disposition, au cœur de la city, et
une rente de 10.000 livres lui est accordée, pour qu’il puisse tenir son
rang durant son séjour en Grande Bretagne et aider ses compagnons d’exil. C’est presque trop beau pour être vrai et, tout en remerciant ses hôtes de ces largesses, Paoli s’inquiète intérieurement des sous-entendus politiques qu’elles pourraient dissimuler.
11
– Pour le bonheur de la Corse Et de tous les peuples épris de liberté Alerte quadragénaire, Paoli va passer vingt ans de sa
vie dans ce premier exil doré en Angleterre. Parlant un anglais très correct, sujet régulier de
chroniques de presse très élogieuses, il est rapidement devenu l’un des
interlocuteurs les plus recherchés des clubs les plus sélects de Londres, où
l’ont introduit son ami James Boswell et le célèbre critique littéraire
Samuel Johnson. Le Législateur des Corses, comme on l’appelle
volontiers dans ce milieu intellectuel, semble avoir trouvé sa place naturelle
dans une société très fermée, dont les membres se complaisent à débattre
de belles – lettres, de philosophie et d’art, sans négliger la politique. Paoli profite bien entendu de ces rencontres savantes
pour se tenir informé de la politique intérieure et étrangère du Royaume-Uni ;
plus particulièrement, de l’évolution des rapports de forces, en Corse et
dans l’ensemble du bassin méditerranéen. Complétées par l’abondante correspondance qu’il
entretient avec ses amis restés en Corse ou exilés en Italie, ces informations
lui permettent de réfléchir aux moyens qui pourraient être mis en œuvre, le
moment venu, pour rétablir la liberté et le bonheur de l’île. Et qui sait ? Sur la lancée de la stratégie
insulaire, d’autres peuples ou minorités opprimés ne pourraient – elles
pas bénéficier, par ricochets de ce mouvement libérateur ? En France, sous la pression des philosophes, les bases
de la monarchie commencent à vaciller depuis la mort de Louis XV et
l’entourage du jeune roi Louis XVI le pousse à jeter du lest en ce qui
concerne la Corse. Du moins, c’est ce que son vieil ami Ventura
Benedetti, député du Tiers, est venu dire à Pasquale Paoli, en septembre
1776. Dans certaines conditions, lui annonce-t-il, il pourrait bénéficier
d’un édit de Grâce royale qui lui accorderait, dans le même temps, une
importante fonction militaire. Le Général, bien entendu, a décliné cette offre
mais rédigé, en retour une contre – proposition. A savoir, l’institution
d’une large autonomie interne de la Corse sous un protectorat français. Mais la vision libératrice de Paoli est plus
ambitieuse encore. Son champ d’action s’étend, en effet, aux colonies anglaises d’Amérique du Nord, en révolte contre la couronne britannique ; une révolte qui s’est développée à partir des principes paoliens de liberté, d’égalité et de souveraineté du peuple définissant l’exemple corse.
12
– Dans le secret de deux loges maçonniques Pas question de débattre publiquement de ce sujet périlleux,
sans enfreindre le devoir de réserve auquel est astreint Paoli, en tant que
chef d’État étranger. Mais il existe, en Angleterre comme en France et en Amérique,
des lieux où peuvent s’échanger confidences, dossiers et projets dans le
plus grand secret. Ce sont les Ateliers maçonniques auxquels seuls les membres
initiés ont droit d’accès. En 1778, parrainé par James Boswell, Vénérable de la
Grande Loge d’Écosse, Paoli subit les épreuves de l’initiation, en même
temps que son compagnon le comte Gentili, en la respectable Lodge of Nine
Muses. A Paris, à la même époque, a été créé le premier
Atelier du Grand Orient de France, appelé " Loge des neuf Sœurs, "
et dont Benjamin Franklin est devenu Vénérable Maître en 1778. Quelques noms
illustres parmi ses affiliés : Voltaire, l’abbé Siéyès, Mirabeau, La
Fayette … Bref, le Gotha des esprits prérévolutionnaires français. Un messager – visiteur permanent entre les deux loges :
Beaumarchais, libelliste, dramaturge et agent secret de Louis XVI bien connu. Sur quel chantier travaillent de concert les maçons
britanniques et français ? La pré rédaction de la future constitution
des États-Unis d’Amérique qui sera promulguée à Philadelphie après la
guerre d’Indépendance. Un modèle initial de référence : la
constitution paoline de 1755. A noter : Tous les chefs des Insurgents Américains : George Washington, Thomas Jefferson, Benjamin Franklin, Thomas Payne … furent des Francs-Maçons de la première heure.
13
– L’enchaînement de trois Révolutions C’est bel et bien le processus révolutionnaire mis
en œuvre par Paoli, vingt ans plus tôt en Corse, qui a été adopté par les Insurgents
pour bâtir la nouvelle nation américaine : a) refus de la domination économique
anglaise/ b) Déclaration d’Indépendance, qui déclenche un conflit armé,
auquel le jeune général de La Fayette, à la tête du régiment d’élite du
" Royal Corse ", apportera une contribution beaucoup plus
symbolique. La proclamation de la constitution fédérale de Philadelphie
(1787), dont le préambule s’apparente étrangement avec celui de la
constitution paoline de 1755, couronne de cet édifice politique. Deux ans plus tard, c’est l’exemple américain
qui vient enflammer le cœur des révolutionnaires français. Lorsque les États – Généraux de France, en 1789,
se transforment en Assemblée Nationale, Paoli laisse éclater sa joie et
lorsque le peuple de Paris s’empare de la Bastille, le 14 juillet du même
mois, il est submergé par l’émotion. N’était-ce pas un certain 14 juillet
1755 que son peuple l’avait élu Général de la nation corse ? Clin d’œil
du destin. Son exil en Angleterre va bientôt prendre fin et Paoli
est persuadé que les Constituants vont restituer à sa patrie sa dignité et sa
liberté. C’est dans cette perspective qu’il approuve le décret
du 30 novembre 1789 déclarant la Corse " partie intégrante de
l’Empire français " que vient lui soumettre une députation à
Londres. Dans l’entourage du roi Georges III on dissimule mal
une profonde rancœur. Quelle ingratitude, de la part de cet infortuné chef
d’État que l’on s’était donné tant de mal à séduire ! Non
content d’avoir comploté avec ses amis américains, voilà que Paoli se jette
maintenant dans les bras de la France révolutionnaire. Ce n’est plus un héros de légende qui va quitter le sol anglais. C’est un ennemi déclaré. On s’en souviendra.
14
– L’honneur d’être un citoyen français Paoli prend son temps avant d’organiser les étapes
de son retour en Corse, bien qu’il se sache impatiemment attendu dans l’île
tout entière. Le temps de mettre au point, en liaison avec Mirabeau et
Robespierre, le protocole de sa réception officielle par l’Assemblée
Constituante. Il pèse chaque proposition de ses interlocuteurs, appelés à
s’engager clairement sur le futur statut de la Corse et le rôle qu’il devra
y tenir. C’est le 3 Mars 1790, finalement, qu’il arrive à
Paris. Guidé par La Fayette, le père de la patrie corse, après
un entretien personnel que lui accorde le roi Louis XVI au Louvre, fait une entrée
triomphale dans la salle du Manège, où les députés, debout, lui offrent une
interminable ovation. C’est l’homme des Lumières que l’on acclame, le
législateur précurseur de la démocratie dont on célèbre les vertus, le
courage de tout un peuple qu’on exalte. Tour à tour, les plus célèbres
orateurs de l’Assemblée montent à la tribune. Et, dans l’ensemble, leurs
conclusions vont toutes dans le même sens : ce n’est pas simplement pour
devenir un morceau de France que les Corses ont versé leur sang, dans leurs
luttes contre toutes les oppressions. C’est pour établir et conserver leur
liberté. Paoli n’en attendait pas plus. Le 14 juillet 1790, inoubliable date, le Général de
la nation reprend pied sur sa terre natale, à Macinaggiu, le port du Cap Corse
d’où était partie, en 1767, l’expédition de reconquête de la Capraja.
C’est une foule innombrable qui s’est portée à sa rencontre et qui hurle
son bonheur de retrouver son chef, son " Babbu ". En tête
de cette marée humaine, que les anciens compagnons d’armes, un jeune
sous-officier qui vient se mettre au service de Pasquale Paoli. Il se nomme
Napoléon Bonaparte. Dans le premier message qu’il adresse à son peuple
exprime sa reconnaissance à la France de la Révolution à laquelle, désormais
la Corse est liée par le Droit et non la sujétion. " Ma plus grande joie et mon honneur, dit-il, est aujourd’hui d’être reconnu comme un citoyen français.
15
– L’inévitable rupture Ces belles envolées d’amitié corso-française
voilent à peine une situation beaucoup moins claire, et qui va se dégrader
rapidement. Paoli était conscient, depuis longtemps, de
l’impossibilité pour la Corse de recouvrer sa totale indépendance. Il aurait
souhaîté, à tout le moins qu’elle puisse bénéficier d’un régime de
large autonomie, sous la protection d’une France ayant reconnu ses erreurs
passées. Les Constituants, de leur côté, projetaient de faire
de l’île un simple département administratif, au même titre que tous ses
territoires métropolitains ou d’outre-mer. Cette ambiguïté, s’ajoutant à l’esprit
centralisateur du gouvernement révolutionnaire, portait en elle les germes de
profondes dissensions. En 1791, Paoli refuse de mettre en application la
" constitution civile du clergé ", qui menace de sanctions
les prêtres réfractaires. Le gouverneur des gardes civiles corses (c’est
le titre qu’on lui a accordé) n’a pas oublié, en effet, l’important
concours que les ecclésiastiques insulaires avaient apporté à la lutte contre
Gênes. Dans le même temps, le " parti français ",
auquel – entre autres – s’est ralliée la famille Bonaparte, entreprend
une campagne de dénigrement contre l’ancien Général de la nation. Haines et
rivalités d’ambitions s’exaspèrent en Corse, tandis qu’en France, les dérives
de la révolution humaniste de 89 conduisent inéluctablement vers le régime de
la terreur. Soutenu par un fidèle consensus populaire, Paoli fait
la sourde oreille aux consignes de Paris jugées non-conformes à sa propre
philosophie politique. Il condamne publiquement les nouveaux conventionnels
qui, en janvier 1793, ont à la quasi-unanimité voté pour l’exécution
capitale de Louis XVI. Il conteste le bien fondé d’une expédition
militaire contre la Sardaigne, amie séculaire de la Corse, alors que Napoléon
Bonaparte, élu colonel des Volontaires d’Ajaccio, a pris le commandement de
cette désastreuse aventure. La convention ne lui pardonnera pas cette
incartade. Dénoncé comme félon par une lettre anonyme adressée au comité de Salut public, Paoli est décrété d’arrestation par le tribunal révolutionnaire, le 2 avril 93. Le 17 juillet suivant, la convention le déclare traître à la patrie. Trois commissaires, encadrés par une forte escorte militaire, sont chargés de s’emparer de lui.
16
– Le Royaume Anglo-Corse Pour comprendre l’enchaînement des faits qui
conduisirent à l’avènement du Royaume anglo-corse, il faut considérer la
tragique situation dans laquelle se trouvait l’île en cette tumultueuse période. Destitué par les mêmes hommes qui l’avaient
accueilli en héros trois ans auparavant, son chef historique est un condamné
à mort en sursis, dont les faibles milices ne pourront pas résister longtemps
aux assaillants de la République française nouvelle née. Au seuil d’un très rigoureux hiver, on voit se
profiler en Corse le spectre d’une famine porteuse de désagrégation sociale. D’où viendront les secours dont le pays a un urgent
besoin ? Les historiens les plus sérieux contestent
aujourd’hui la version selon laquelle Paoli lui-même aurait fait appel à
l’intervention des forces anglaises dont l’importante flotte croisait alors
en Méditerranée. Comme l’a démontré Mme Dorothy Carrington, se référant
aux Archives d’Etat britanniques du Record Office, ce sont les Anglais,
de leur propre chef, qui prirent l’initiative de cette intervention dans leur
évident intérêt. Le 5 février 1794, les bâtiments de la Navy accostent
au port de Saint-Florent. En débarquent cinq régiments de fusiliers-marins
qui viennent prêter main-forte aux milices paolines, ainsi que quelques
charrois de ravitaillement destinés aux populations de la région. Belle générosité qui cache, hélas, des intentions
moins amicales ! Certes, dans un premier temps, les troupes de l’Amiral
Hood vont aider les soldats corses à neutraliser l’offensive française ;
mais le véritable objectif de ce dernier, mûri à Londres de longue date, est
de faire de l’île de Corse un dominion de la couronne, dont le
vice-roi désigné sera le jeune baronnet Gilbert Elliot. C’est sous la contrainte britannique que Pasquale
Paoli est invité à convoquer, le 10 juin 1794 à Corte, une consulta au
cours de laquelle sont proclamés la rupture de tout lien politique entre la
France et la Corse et l’institution du Royaume anglo-corse. Aucune des contre-propositions et garanties
d’autonomie interne proposées par Paoli n’est prise en compte par cette
assemblée régalienne. Afin de se concilier les bonnes grâces des fidèles
partisans de Paoli, Elliot avait prévu de distiller, dans la charte du royaume
anglo-corse, quelques bribes de principes rappelant la constitution paoline de
1755 et il aurait souhaité que le " Babbu ", bientôt
septuagénaire acceptât un siège ministériel dans son gouvernement. Une ouverture immédiatement déclinée par Paoli, se retranchant derrière son grand âge et son désir de prendre une retraite paisible dans son village natal de Morosaglia. 17
– Le second Ponte-Novu de Paoli et l’ultime adieu à la Corse Rejetons tout d’abord l’absurde hypothèse d’un
Paoli amèrement déçu de ne pas avoir obtenu la charge de vice-roi. Il a vécu
assez longtemps en Angleterre pour savoir qu’un tel titre, entraînant la
fonction de généralissime de l’armée britannique, ne peut être conféré
qu’à un pair, membre de la chambre des Lords. En outre, toute distinction lui
paraît désormais dérisoire. La seule marque d’honneur à laquelle il aspire
est que son nom reste lié, dans l’affectueuse mémoire de son peuple, à
celui de la Corse libre. Qui pourrait lui contester ce droit ? Certainement pas ses concitoyens qui, en se réclamant
à tout instant de l’inaliénable héritage de vertus paolines, se gaussent
des échecs successifs du baronnet Elliot dans ses tentatives maladroites pour
conquérir l’estime de ses nouveaux " sujets ". N’eut-elle connu un si triste épilogue, la brève
histoire de royaume anglo-corse pourrait s’assimiler à une mascarade. Un peu partout, en dépit de l’argent distribué aux
notables et des parades militaires d’intimidation, on brocarde l’autorité
du vice-roi et les désordres se multiplient. " Ces Corses sont
ingouvernables, et tant que Paoli demeurera dans l’île, j’ai grande crainte
qu’une véritable guerre civile ne puisse être évitée " écrit
Elliot au premier ministre anglais. Le 1er octobre 1795, une lettre cachetée portant le
sceau royal de Georges III et destinée à Pasquale Paoli parvient au siège du
vice-roi. C’est à Ponte-Novu, ex-ville martyre de la conquête
française, que le pli est remis entre les mains du " Babbu ",
tremblantes d’émotion. Le message est bref. Un monarque ne donne pas
d’ordres, il prie avec courtoisie : " Estimé Général … Votre présence en
Corse inquiète vos ennemis et donne trop d’audace à vos partisans … Venez
de bonne grâce à Londres avant qu’il soit trop tard pour éviter les
affrontements qui pourraient ruiner la paix et l’unité de votre pays … ". Cette diplomatique " invitation "
ne saurait être déclinée. Lorsque, nuitamment, Paoli, accompagné par deux
discrets officiers anglais, monte à bord du bateau de guerre " Le
Dauphin " ancré à Saint-Florent, a la douloureuse impression d’être
un prisonnier en transfert. Certes, ce n’est pas une geôle qui l’attend à
Londres, mais le temps n’est plus aux égards rendus au chef de la Corse
libre. En cinq ans à peine tout a changé. Boswell et Samuel Johnson sont morts en son absence et
la capitale semble avoir perdu tous ses attraits pour cet homme au seuil de la
vieillesse, dont la santé commence à chanceler, et qui a vu s’envoler, en si
peu de temps, tous ses espoirs de vivre dans l’heureuse patrie insulaire à
laquelle il avait voué toute son existence. Au cours des douze années qui lui restent à vivre,
Pasquale Paoli s’enferme dans la solitude et la méditation. Il lit beaucoup et répond aux nombreuses lettres que
lui font parvenir de fidèles amis depuis la Corse, l’Italie et la Fédération
des États-Unis d’Amérique. Il suit avec intérêt la brillante carrière du
jeune Napoléon Bonaparte, qui a su discipliner les ultimes turbulences de la Révolution
Française. Finalement, il a bien du cran le puîné de Laetizia, devenu le
Premier Consul d’une grande et puissante nation, et un indomptable chef de
guerre ; puisse t-il arrêter à temps son orgueil de conquérant ! Le 23 novembre 1804, se relevant tout juste d’une angine de poitrine qui a failli lui ôter la vie, il complète son testament par deux legs qui doivent couvrir les frais de création d’une école primaire à Morosaglia et, si l’université de Corte est ré ouverte, l’entretien de quatre professeurs. Dans le cas contraire, le legs fondera une bourse d’études pour cinq étudiants Corses désirant poursuivre leur cursus universitaire sur le continent.
18
– L’un des hommes les plus éminents et les plus illustres de son temps Pasquale Paoli est mort le 5 février 1807, à l’âge
de 82 ans. Selon ses vœux, il a été inhumé dans la chapelle Saint-Pancrace
de Londres réservée aux défunts de religion catholique. Au mois d’avril suivant, deux amis chers de Paoli,
Giacumu Orsi et le Docteur Burnaby, obtenaient du gouvernement britannique, avec
l’appui d’une large pétition populaire, qu’un buste du héros corse, œuvre
du sculpteur anglais Flaxman, soit érigé en la célèbre Abbaye de
Westminster, où reposent les grands dignitaires et les anciens généralissimes
du royaume. Le texte suivant est gravé sur la stèle : 1725-1807 " A la mémoire de Pasquale Paoli, l’un des
hommes les plus éminents et des plus illustres de son temps. " Sa jeunesse et la plus grande partie de sa
vie furent consacrées par lui à la cause de la liberté qu’il soutint
noblement contre l’usurpation et la tyrannie génoise et française. " Par ses hauts faits, par ses utiles et
bienfaisantes institutions, par son zèle national, il a justement mérité le
titre rare et glorieux de PÈRE DE LA PATRIE CORSE ". |
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